Réflexion sur l’histoire des États-Unis : la Cour suprême révoque le droit à l’avortement et les États sont libres de l’interdire

Dans un rebondissement historique, la très conservatrice Cour suprême américaine a enterré vendredi un arrêt qui, pendant près d’un demi-siècle, garantissait le droit des femmes américaines à l’avortement, mais n’avait jamais été accepté par la droite religieuse.

Cette décision n’interdit pas les avortements mais ramène les États-Unis à leur statut actuel d’avant l’arrêt emblématique “Roe v. Wade” de 1973, où chaque État était libre de les autoriser ou non.

Compte tenu des fractures du pays, la moitié des États les plus conservateurs et religieux, notamment ceux du sud et du centre, pourraient les bannir à plus ou moins court terme.

“La Constitution ne fait aucune référence à l’avortement et aucun de ses articles ne protège implicitement ce droit”, a écrit le juge Samuel Alito au nom de la majorité. Roe c. Wade “était totalement infondé depuis le début” et “doit être annulé”.

“Il est temps de renvoyer la question de l’avortement aux élus du peuple” dans les parlements locaux, a-t-il encore écrit.

Cette formulation se rapproche d’un avant-projet d’arrêt qui avait fait l’objet d’une fuite inédite début mai, provoquant de larges manifestations à travers le pays et une vague d’indignation à gauche.

Depuis, le temps est très tendu autour de la cour, où une imposante barrière de sécurité a été installée pour tenir les manifestants à distance. Un homme armé a même été arrêté en juin près du domicile du magistrat Brett Kavanaugh et inculpé de tentative de meurtre.

Dans le dossier Trump

L’arrêt publié vendredi “est l’un des plus importants de l’histoire de la Cour suprême depuis sa création en 1790”, note le professeur de droit de la santé Lawrence Gostin. “Il est déjà arrivé qu’elle change sa jurisprudence mais pour établir ou rétablir un droit, jamais pour l’éliminer”, a-t-il déclaré à l’AFP.

Cette décision va à contre-courant de la tendance internationale à la libéralisation de l’avortement, avec des avancées dans les pays où l’influence de l’Église catholique reste forte, comme l’Irlande, l’Argentine, le Mexique et la Colombie.

Ils couronnent le 50e anniversaire d’une lutte méthodique de la droite religieuse, pour laquelle il représente une immense victoire mais pas la fin de la bataille : le mouvement doit continuer à se mobiliser pour amener le plus d’États possible sur son terrain ou pour tenter de obtenir une interdiction fédérale.

Elle fait également partie du dossier de l’ancien président républicain Donald Trump qui, durant son mandat, a revu en profondeur la Cour suprême en faisant intervenir aujourd’hui trois magistrats conservateurs (Neil Gorsuch, Brett Kavanaugh et Amy Coney Barrett) qui ont signé aujourd’hui cette condamnation.

Plus précisément, cela fait référence à une loi du Mississippi qui se contentait de réduire la durée légale d’un avortement. Depuis l’audience de décembre, plusieurs juges avaient laissé entendre qu’ils entendaient saisir l’occasion pour revoir plus fondamentalement la jurisprudence de la Cour.

Les trois juges progressistes n’étaient pas d’accord avec la majorité, estimant que cela « met en danger d’autres droits à la vie privée, tels que la contraception et le mariage homosexuel » et « porte atteinte à la légitimité de la Cour ».

Lois sur les zombies

Selon le Guttmacher Institute, un centre de recherche qui milite pour l’accès à la contraception et à l’avortement dans le monde, 13 États ont des lois dites “zombies” ou “détonateurs” : elles interdisent l’avortement, s’ont rédigées pour entrer en vigueur presque automatiquement un an. le cas de révocation à la Cour suprême.

“Dans les jours, semaines et mois à venir, on devrait voir fermer des cliniques” dans ces Etats parfois très peuplés (Texas, Louisiane…), anticipe Lawrence Gostin.

Une douzaine d’autres États devraient continuer avec des interdictions totales ou partielles.

Dans une partie du pays, les femmes qui veulent se faire avorter seront donc obligées de poursuivre leurs grossesses, de se débrouiller clandestinement, notamment en se procurant des pilules abortives sur Internet, ou de se rendre dans d’autres États, où l’avortement restera juridique.

Anticipant un afflux, ces États majoritairement démocrates ont pris des mesures pour faciliter l’accès à l’IVG sur leur sol et les cliniques ont commencé à faire évoluer leurs moyens en termes de personnel et d’équipements.

Mais les voyages coûtent cher et la décision de la Cour suprême pénalisera davantage les femmes pauvres ou les femmes qui élèvent seules, qui sont surreprésentées dans les minorités noires et hispaniques, affirment les défenseurs du droit à l’avortement.

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