Thomas Pesquet : “Retourner sur la Lune, c’est réel, ça peut aller très vite”

“Nous voulons continuer dans la course. C’est une question de souveraineté technologique et industrielle», lance le secrétaire d’État au Relance, Thomas Dermine (PS). Quelle carrière ? Celle de l’espace. Mais pas comme les États-Unis ou l’URSS à l’époque de la guerre froide. Une carrière pour maintenir l’Europe, et la Belgique, qui est la 5e contributeur au budget de l’Agence spatiale européenne (255,8 millions d’euros en 2021, la France est la première avec 1 658 millions d’euros), au niveau des autres puissances spatiales, installées ou en devenir.

Autonomie stratégique

“Investir dans l’espace nous permet de mieux maîtriser le changement climatique – qui n’est pas une opinion politique mais un fait – pour réagir beaucoup plus rapidement lors de catastrophes naturelles, et nous savons qu’elles vont se multiplier. Et l’espace, dans le contexte de la sécurité et du regain Les tensions que nous vivons, nous font prendre conscience qu’il y a des enjeux d’autonomie stratégique et de souveraineté en matière de défense et de cyberdéfense qui sont importants dans l’histoire européenne. »il côtoie aussi, non sans fierté, un autre Thomas, l’astronaute français Thomas Pesquet, lorsqu’il est venu rencontrer de nombreux enfants au Planétarium de l’Observatoire royal de Belgique.

Comme l’explique Thomas Dermine, responsable de la politique scientifique “qu’une séance avec Thomas Pesquet n’a pas d’équivalent en termes d’impact pour la promotion de la science, la sensibilisation aux enjeux environnementaux.”

Vous faire rêver et prouver que c’est possible, tel est le but de la visite. Car s’il y a des enjeux économiques et industriels (maîtrise de leurs constellations satellitaires, médias, accès à l’espace), les enjeux de la recherche sont tout aussi nombreux et sans sensibiliser les plus jeunes, on se coupe potentiellement les futurs talents. “C’est une question de politique mais aussi de financement”ajoute Thomas Dermine.

L’ESA (l’Agence spatiale européenne), avec la NASA et d’autres partenaires, a également pour objectif de partir très prochainement pour “reconquérir” la Lune, où l’objectif est d’établir une base permanente. Cible lunaire pour quand ? “Première mission habitée (en orbite lunaire, ndlr) depuis deux ans”lance Thomas Pesquet.

Trois questions à Thomas Pesquet, astronaute et ancien commandant de l’ISS

1. Dans un contexte de crise, de tensions, comment convaincre de maintenir les investissements dans le secteur spatial ?

Précisément, se souvenir du côté positif. La Station spatiale reste un modèle de coopération internationale entre des pays qui avaient tendance à s’y opposer avec véhémence. Aujourd’hui, nous voyons que cela peut être le cas à nouveau rapidement. Nous avons réussi à travailler avec des gens qui n’étaient pas forcément amis. Il a longtemps gardé les choses hors de contrôle. Aujourd’hui encore, comme on le voit pour la Russie et les États-Unis, cela peut éviter que les choses ne deviennent trop antagonistes. Nous devons continuer à nous concentrer là-dessus. En Europe, nous l’avons dans notre ADN et je pense que nous essaierons de travailler sur ce regroupement dans les prochaines phases de l’exploration spatiale. Ce n’est pas toujours facile, mais c’est à ce prix qu’on peut faire des projets ambitieux. Si nous faisons chacun des choses dans notre coin, dans l’espace ou ailleurs, nous nous limitons malheureusement assez vite à nos possibilités.

2. On parle du syndrome de Kessler, les débris spatiaux qui pourraient rendre notre orbite infranchissable… Les constellations de milliers de satellites, comme le Starlink d’Elon Musk, ne vous font-elles pas peur ?

Malheureusement, nous ne sommes pas responsables de cela. Nous sommes peut-être vertueux, mais nous n’avons aucun pouvoir de décision sur ce qui se passe aux États-Unis. Nous aimerions. Il y a plusieurs approches, les américains croient plus au secteur privé, nous peut-être un peu plus à la régulation par les instances et agences internationales. Nous essayons de pousser ces questions. On se parle entre partenaires, mais on ne peut pas imposer de régulation par la force. Ils se font par la diplomatie. Cela a déjà fonctionné, nous avons des traités sur l’exploitation des ressources lunaires datant des années 1960 lors de la course à l’espace. Ce qu’il faut, c’est savoir de quoi on parle, techniquement. Regardez les conséquences. Ce n’est pas parce qu’il y a tant de satellites qu’il y a forcément des problèmes. Si ces satellites retournent rapidement dans l’atmosphère, c’est moins problématique que s’ils y restent pour toujours. Tout cela est technique et c’est le rôle de l’Agence spatiale européenne d’analyser cette question des débris spatiaux.

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3. Votre prochaine mission est-elle la Lune ?

Je n’ai pas de boule de cristal, mais la poursuite de l’exploration spatiale est un retour permanent sur la Lune, en utilisant des ressources sur place, en utilisant des modules réutilisables et plus durables. Et c’est pour les années à venir. Nous avons un lanceur sur la rampe de lancement, nous allons le tester depuis Cap Cañaveral fin août. Dans deux ans, première mission habitée puis, à raison d’une mission par an, retour sur la Lune avec des équipages internationaux. Tout cela est réel, cela peut aller très vite. L’Europe a sa place, nous faisons partie de cette démarche, nous participons avec notre technique, nos ingénieurs, nos équipes et nous sommes impliqués dans le projet avec la NASA, donc nous aurons une présence humaine dans ce retour européen.

… Alors est-ce que ça peut être vous ?

Disons que parmi les gens je fais partie de ceux qui n’ont pas moins de chances, compte tenu de ma position, de mon expérience, de mon âge, par rapport aux autres. Mais nous sommes très bien dans le corps des astronautes, nous recrutons une nouvelle promotion, tout le monde sera volontaire. La bonne chose est qu’il y a déjà trois vols prévus pour l’Europe.

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