Des soldats maintiennent un cordon de sécurité autour des employés de la commission électorale vérifiant les résultats de l’élection présidentielle qui vient de se terminer à Nairobi le 14 août 2022. TONY KARUMBA/AFP
Depuis le vote de mardi, les Kényans retiennent leur souffle avant un duel présidentiel qui pourrait être l’un des plus serrés de l’histoire du pays. Dimanche 14 août au matin, selon le décompte de la Commission électorale indépendante dans près de la moitié des bureaux de vote, le vice-président, William Ruto, menait ce coude à coude avec 51,25% des voix, contre 48,09% pour Raila Odinga, historique figure de l’opposition aujourd’hui soutenue par le président sortant, Uhuru Kenyatta. La commission a alors interrompu la diffusion en direct des résultats, sans donner aucune explication.
Mais le décompte du journal Daily Nation, basé sur les données officielles de près de 90% des bureaux de vote, a montré un écart fortement réduit dans la soirée alors que M. Ruto a obtenu 49,91% des voix contre 49,41% de M. Odinga, tous les deux. les autres candidats (George Wajackoyah et David Waihiga) remportant chacun moins de 0,5% des voix. Si aucun des deux premiers candidats ne cumule plus de 50% des voix, ainsi que 25% des voix dans la moitié des quarante-sept comtés, le Kenya aura – pour la première fois de son histoire – un second tour.
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La patience a été unanimement saluée
La patience des Kényans est unanimement saluée dans un pays qui a connu plusieurs épisodes de tensions et de violences post-électorales, parfois sanglantes, au cours des dernières décennies.
Dimanche, M. Ruto et Odinga ont visité des églises dans la capitale, Nairobi. Vêtu d’une chemise blanche et d’une veste légère, Ruto a appelé à une poursuite pacifique du processus électoral lors d’un service religieux : « Nous avons voté pacifiquement, nous avons traversé ce processus pacifiquement et ma prière est que nous terminions ce processus pacifiquement. »
M. Odinga, vêtu d’une robe bleue, couleur de sa campagne, a récité une prière de saint François : « Je veux devenir un instrument pour apporter la paix, guérir, unir et garder l’espoir vivant dans notre pays. »
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Ailleurs, les offices dominicaux, très populaires dans ce pays religieux, ont été à l’origine d’appels à rendre des comptes. A l’annonce des résultats, “ne créez pas de troubles ni de chaos, mais priez pour le nouveau président que Dieu nous a donné”, a accusé Mgr Washington Ogonyo Ngede trois cents fidèles réunis à Kisumu, le fief de M. Odinga, dans l’ouest de le pays. “Les dirigeants vont et viennent, mais le Kenya vit pour toujours”, a ajouté cet ami de longue date de la famille Odinga.
À Eldoret, le fief de M. Ruto dans la vallée du Rift, l’évêque du diocèse catholique Dominic Kimengich a également appelé au calme et a exhorté les politiciens à être “très prudents avec leurs paroles”.
“Nous l’avons vécu en tant que Kényans, nous savons que tout commentaire imprudent (…) peut facilement déclencher un conflit”, a-t-il déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) avant une messe à la paroisse de Yamumbi. Il a appelé les politiciens à “accepter la volonté du peuple” exprimée lors des urnes.
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Registre des femmes élues
En écho au secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, sur Twitter samedi, une quinzaine d’organisations non gouvernementales (ONG), dont Amnesty International, et des syndicats ont demandé dimanche de la “patience”.
“Nous applaudissons les Kényans pour leur conduite pacifique pendant les élections et appelons au calme pendant que les résultats sont vérifiés”, ont-ils déclaré dans un communiqué.
Quelque 22,1 millions d’électeurs se sont rendus aux urnes mardi pour désigner le successeur du président Uhuru Kenyatta, ainsi que ses gouverneurs, parlementaires et élus locaux. Les résultats des urnes locales chutent à la baisse. Elles ne suggèrent pas quel camp plaira à la majorité parlementaire, mais une avancée historique des femmes se dessine déjà.
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Par conséquent, la commission électorale est sous pression. Non seulement parce que le pays, moteur économique de l’Afrique de l’Est, est au ralenti en attendant les résultats, mais aussi parce qu’il a été vivement critiqué il y a cinq ans après une élection présidentielle invalidée par la Cour suprême. Vendredi, il a reconnu que la collecte, le comptage et la vérification des résultats avaient pris plus de temps que prévu, freinés, a-t-il dit, par l’ingérence des partisans des partis politiques.
Ces élections sont suivies de près par la communauté internationale. Le Kenya est en effet un point d’ancrage démocratique dans la région et les résultats de toutes les élections présidentielles y sont contestés depuis 2002.
Le vote du 9 août a été marqué par une participation d’environ 65 % (contre 78 % en août 2017), dans un contexte de hausse de l’inflation et de frustration vis-à-vis de l’élite politique.
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Le monde avec l’AFP