La phobie de l’avion, de l’ascenseur, de conduire sur l’autoroute…, l’anxiété en général, mais aussi les addictions peuvent être traitées par une thérapie brève avec des images de synthèse.
Très souvent, le traitement dure une dizaine de séances. ©Adobe Stock
N’êtes-vous pas intéressé à vous immerger dans des métavers fortement sponsorisés et désinfectés ? Nous vous comprenons. Mais la réalité virtuelle a aussi des applications entièrement dédiées au bien-être personnel et donc collectif. Casque sur la tête, capteurs à la main, en consultation, on peut ainsi s’immerger dans une situation de vie problématique et amener notre cerveau à l’accepter… « Par un processus d’habituation, le cerveau associe l’être sur un avion, par exemple, et être détendu’, explique Nathan Walzer, psychologue clinicien spécialisé dans le traitement des troubles anxieux, qui pratique la thérapie par réalité virtuelle au Centre hospitalier Le Domaine (ULB) à Braine-l’Alleud. Bien sûr, on sait au fond de soi qu’on n’est pas vraiment dans le contexte, mais un travail psychologique peut avoir lieu. « Nous donnons déjà des leçons positives. Dans l’avion virtuel, on peut se détendre, respirer, attendre, penser différemment et donc mieux s’en sortir. »
Il y a une bonne décennie cet outil a enrichi la panoplie des thérapies cognitives et comportementales (TCC) en Belgique. Mais récemment, la nouvelle génération de casques est arrivée. Nathan Walzer s’y est intéressé alors qu’il travaillait au Centre Vertcle à Uccle. « Les kinésithérapeutes vestibulaires qui soignent les problèmes d’équilibre utilisaient la réalité virtuelle bien avant les psychologues pour désensibiliser les vertiges. ), l’anxiété sociale, le trouble panique (le fait d’avoir des crises d’angoisse à répétition, d’avoir peur). ), le stress post-traumatique ou encore les addictions.
Société de contrôle
Toute une série de troubles anxieux sont apparus ou se sont aggravés après la crise sanitaire : difficulté à retourner à l’école, reprendre le travail en présentiel, conduire à nouveau la voiture, participer à des événements bondés ou se rendre dans des lieux comme les centres commerciaux, au contact des autres. .. “Arrêter de vivre dans certaines situations signifie plus d’attentes, moins d’engagement ou plus de peur. La thérapie par réalité virtuelle permet de reprendre une série d’habitudes qui ont peut-être été oubliées, explique la psychologue. Hormis les situations post-Covid, j’ai beaucoup de phobies sur les autoroutes. Mais aussi des phobies comme les vomissements, le sang, les piqûres, l’acrophobie, donc la phobie des hauteurs, dans le vide : les personnes qui ne peuvent plus traverser les ponts, emprunter certains escaliers ou chemins en hauteur, monter sur un balcon depuis un certain étage… Tout cela est bien traité.” Addictions comportementales (jeu) et toxicomanies (drogues, alcool, tabac). ” Nous exposons le patient à des situations qui donnent envie et apprenons à réguler ce désir, à différer la réponse, à attendre, se calmer “.
Au fond de l’anxiété, nous pouvons pointer la société de contrôle dans laquelle nous vivons. « Il y a une idée très transmise que je trouve assez problématique : celle de gérer les émotions. Parler de gestion des émotions, c’est utiliser un terme économique pour vous-même. Et une notion d’influence. Cependant, plutôt que de gérer les émotions, je trouve important d’apprendre à les embrasser, à les accepter. Dans certaines situations, plus nous essayons de garder le contrôle, plus nous nous échappons. Les patients que je vois se décrivent systématiquement comme ayant besoin de contrôle ou ayant du mal à lâcher prise. Ainsi, pour les personnes anxieuses qui ont une première crise dans une situation, celle-ci va se cristalliser, générer une hypervigilance.
Progressif et sûr
Le principal avantage de la thérapie par réalité virtuelle est qu’elle permet de progresser très progressivement, à la vitesse idéale pour le patient, et dans un environnement sécurisé. Les évitements (prendre l’avion, prendre l’autoroute, parler en public, être en réunion avec des camarades de classe…) sont liés à une émotion de peur, qui est une souffrance émotionnelle. Nous ne voulons pas faire face à une situation qui nous fait peur, qui est complètement humaine. Cela peut évidemment devenir invalidant. La thérapie est très progressive : le patient affronte l’objet de sa peur très doucement. “C’est simplement venu à notre connaissance à ce moment-là. Nous nous adaptons aux besoins des personnes. Différents types d’expositions sont organisés selon les cas. Cette adaptabilité est facilitée par la technologie au niveau opérationnel. Un jour de consultation je peux aller dans le métro avec un patient, prendre l’ascenseur avec un autre, prendre l’autoroute deux fois et monter dans un avion… Et cela de manière sûre et confidentielle car nous ne rencontrons personne. Avant la réalité virtuelle, je devais vraiment accompagner le patient phobique au lieu de sa peur. Ça marche aussi très bien, mais ça génère plus d’abandon, car parfois c’est trop confronté à la « vraie » réalité.
La réalité virtuelle sert de tremplin. C’est un outil qui encourage la motivation à s’exposer à la réalité, augmentant le sentiment d’efficacité personnelle. Car la thérapie se fait au cabinet mais aussi après. « On prépare très bien la personne puis, après les séances de réalité virtuelle, on accompagne la personne phobique jusqu’aux ascenseurs dans l’ascenseur de notre immeuble, par exemple. Vous pouvez aussi l’accompagner sur autoroute, mais en général les séances suffisent ». La thérapie est considérée comme ayant un résultat positif lorsque le patient n’évite plus la situation problématique. Pour certains la peur va disparaître, pour d’autres une appréhension va perdurer, qui peut aussi être guidée en cours de séance par des modules visant à apprendre à moins anticiper, à adopter l’attitude la plus adaptée même si on a peur, à être capable de mieux s’entendre, rester en contact avec ses émotions. Les accueillir et les accepter, donc.