« Honnêtement, je n’ai jamais eu autant mal de ma vie. C’est vrai que c’est une maladie bénigne mais on oublie de dire à quel point ça peut être douloureux. » Corentin, 27 ans, va mieux aujourd’hui. Malade de la variole, son isolement terminé et les symptômes ont disparu. Ou presque : un mois plus tard, elle a toujours ce bouton anal et ces quelques taches rouges sur la poitrine qui persistent.
Mais c’est quand même bien moins que ce qu’il a enduré pendant la phase aiguë de la maladie. “Au début, c’était juste de la fièvre et des courbatures”, se souvient-il. “Ça m’a fait penser au covid-19, mais mon test est revenu négatif. Puis, très vite, des lésions sont apparues sur les muqueuses anales. Il pense, cette fois, à une crise d’hémorroïdes, et il continue à mener sa vie Corentin n’envisageait alors pas le monkeypox : après tout, le virus n’était pas encore répandu en France à cette époque.
Mais la douleur ne cesse de s’aggraver. « Voire atroce : je ne pouvais plus m’allonger, m’asseoir dans le métro ou marcher. Les nuits blanches se succèdent. Ajoutez à cela les boutons qui commencent à apparaître sur votre corps.
“Je me suis retrouvé à pleurer dans les toilettes”
Par précaution, ce réalisateur parisien se rend aux urgences, où ils font une batterie de tests. Quatre jours plus tard, un temps très long pour une maladie contagieuse, les résultats arrivent : elle a été infectée par la variole du singe lors d’un rapport sexuel avec un homme. Voici Corentin rejoignant les 400 autres premiers Français qui ont contracté le virus : depuis, ce nombre est de 1 567 malades cumulés, dont 10 en Bretagne.
Et commencez une période d’isolement de 21 jours à la maison. Parce que les boutons sont extrêmement contagieux. Et, pour certains, très douloureux. “Je me suis retrouvé à pleurer dans les toilettes parce que j’avais tellement mal. Je n’avais pas très faim et j’évitais de manger de toute façon pour ne pas avoir à aller aux toilettes.” Il a perdu 7 kilos, pour tenter d’apaiser ses douleurs, les médecins lui ont prescrit du tramadol, un antalgique très puissant car le paracétamol seul ne suffisait pas, et une crème anesthésiante.
“L’emplacement des boutons détermine l’intensité de la douleur”
La maladie n’est pas mortelle – à ce jour aucun décès n’a été enregistré en France – mais elle a ses formes graves. Comme ces quelques jeunes qui se sont retrouvés à l’hôpital, après une éruption cutanée à la gorge, les empêchant d’ouvrir la bouche, de s’alimenter ou de s’hydrater. “La localisation des boutons va en grande partie déterminer l’intensité de la douleur”, explique Sébastien, 32 ans, qui vient de sortir de l’isolement.
Cette chargée des affaires LGBT dans une association a eu de la chance : ces symptômes étaient moins nombreux. Il énumère : quatre jours avec une fièvre de 40°, une dizaine de boutons sur le corps, des ganglions gonflés à l’aine, une semaine prostrée de fatigue…
“D’un autre côté, c’était très difficile pour moi d’être soigné par les médecins. “Au moment des premiers symptômes, début juillet, j’étais en week-end à Marseille, par fierté. “Le 15 et un autre médecin m’ont juste conseillé de faire un test de dépistage des IST. Ce n’est que parce que je suis allé aux urgences tout seul quelques jours plus tard que j’ai pu me faire tester pour la variole du singe. Au final, nous avons perdu beaucoup de temps dans la détection. »
“Un grand saut dans l’inconnu”
L’annonce de l’isolement fait ressurgir l’angoisse mentale de devoir endurer à nouveau le confinement, seul. « C’est un grand saut dans l’inconnu : j’avais de nouveaux boutons, d’autres qui commençaient à se gratter, il y avait des démangeaisons… Et je ne pouvais interroger aucun médecin car il n’y avait pas de suivi médical. A Paris, les services d’infectiologie débordent de patients. Et l’ARS Ile-de-France a arrêté de tracer des contacts, ça n’a plus abouti. “C’est comme si on n’avait rien appris du covid-19 et du VIH…”, déplore Sébastien, qui a retrouvé l’écoute active en discutant avec d’autres patients sur les réseaux sociaux.
Des réseaux qui peuvent se transformer en cyberintimidation homophobe. Car la maladie touche, pour le moment, principalement les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes. Mais il est encore, à tort, associé à l’image d’un “homo malade”. En témoignant du quotidien de la maladie, Corentin ne s’imaginait pas endurer cette vague d’insultes. Cela continue encore aujourd’hui. “Quand tu n’es plus bien, c’est dur à supporter”, souffle-t-elle.
“Ne vous sentez pas victime de la peste”
“Il faut dire que le nom, ‘Monkey pox’, n’aide pas non plus”, admet Thomas. “C’est assez stigmatisant. Ce Parisien de 26 ans a vite repéré la lésion qui l’a alerté : un gros bouton blanc sur ses parties intimes.
Il se souvient encore de la “honte” qu’il a ressentie lorsque, pour entrer aux urgences et passer le test, il a dû dire le nom de la maladie à la secrétaire médicale, dans une salle pleine de patients. Sébastien comprend : « Chez les LGBTI+, il y a une peur que contracter la maladie révèle l’homosexualité. Ayez confiance que cela n’entraîne pas une “sortie forcée”.
Pour Thomas, le diagnostic tombe : il a en effet été contaminé par la variole du singe, début juillet. Lui aussi après le sexe. « Ça m’a ébranlé le moral, on se demande pourquoi moi. J’avais aussi très peur des conséquences : j’avais en tête les photos de personnes âgées qui circulaient sur Internet. Heureusement, le médecin a été très gentil : il m’a dit que je n’aurais pas à me sentir comme une victime de la peste et à ne pas hésiter à le contacter.”
“Ni Emmanuel Macron ni Élisabeth Borne n’ont parlé de la variole du singe”
Il lui reste encore une dizaine de jours d’isolement. Heureusement, Thomas a peu de symptômes : un mal de tête qui n’a duré que trois jours, des sueurs nocturnes, quelques boutons et un ganglion enflé. Il essaie d’être précis : « Enfin, les photos Google Image de la variole du singe sont fausses : il n’y a pas d’énormes pustules de la tête aux pieds en Europe ; une dizaine de boutons, type acné, sur le corps. »
Monkeypox/Monkeypox : la transmission par contact est confirmée. Évitez tout contact corporel si l’un ou l’autre des partenaires a ce type de boutons ressemblant à la varicelle. pic.twitter.com/E26klxS6TE
— STRASS – #SexWorkIsWork (@STRASS_Syndicat) 25 mai 2022
Corentin, Sébastien ou Thomas, tous trois demandent au gouvernement de faire beaucoup plus pour lutter contre le virus. Sur la prévention, le traitement et la vaccination. “Les associations alertent depuis des semaines sur la recrudescence des cas mais elles n’ont pas été écoutées par les autorités”, déplore Sébastien. “Je ne sais pas si c’est une forme d’homophobie mais ça donne l’impression que tant que ça touche les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes, ce n’est pas une priorité de la politique de santé, que ça ne nécessite pas une mobilisation générale, avec des moyens. . “Sur les réseaux sociaux, diverses associations demandent par exemple la suppression de la journée de carence dans les arrêts de travail, comme c’est déjà le cas avec le covid, car, avec la variole du singe, l’isolement est tout aussi limité. ?
Sébastien espère que l’alerte de l’OMS changera la donne. Thomas s’engage : « Alors qu’on atteindra rapidement les 2 000 malades français, ni Emmanuel Macron ni Élisabeth Borne n’ont pour l’instant parlé de la variole du singe. Cela en dit long. »