Monkeypox, dont le nombre de cas a triplé en deux semaines en Europe, inquiète l’Organisation mondiale de la santé, qui appelle à “une action urgente”. Symptômes, parcours de soins, récupération, prévention… Deux jeunes Français qui ont contracté le virus fin juin expliquent leur calvaire à BFMTV.com.
“A l’hôpital, quand on m’a dit que j’aurais pu attraper la variole du singe, je n’y ai pas cru du tout.” Jusqu’à mercredi dernier, Nicolas Prata pensait n’avoir qu’une angine de poitrine sévère. Avant son diagnostic, le Lyonnais de 24 ans savait à peine ce qu’était la variole du singe.
“J’en avais vaguement entendu parler à la télé mais on parlait d’une affaire ici et là, je m’en foutais du tout”, confie-t-il à BFMTV.com.
Cependant, depuis mai, une augmentation inhabituelle des cas de monkeypox a été détectée en dehors des pays d’Afrique centrale et occidentale, où le virus circule normalement. Ainsi, plus de 3.000 cas ont été recensés en Europe et dans les Amériques, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui a appelé à “une action urgente” face au triplement des cas en Europe. En France, 498 personnes ont été contaminées au 30 juin, selon Santé publique France.
“Pas de traitement, m’a-t-on dit”
Bien qu’il souffrait de graves maux de gorge et de fièvre, ni les médecins ni Nicolas Prata n’ont immédiatement établi le lien avec la variole du singe. Au début, son médecin lui met des antibiotiques, pensant que c’est juste une angine de poitrine.
“Au début, je ne m’inquiétais pas trop parce que c’est quelque chose que je développe assez souvent avec la climatisation”, explique-t-il.
Mais deux jours plus tard, la jeune infirmière commence à se poser des questions, voyant que son état ne s’améliore pas du tout, au contraire. “Je n’avais jamais eu un mal de gorge comme ça.” Quelques heures plus tard, des boutons apparaissent sur tout son corps et son visage. “Ils ressemblaient à de petites piqûres de moustiques mais honnêtement, s’ils ne m’avaient pas demandé, je ne l’aurais remarqué à aucun moment. J’ai dû regarder mon corps avec une loupe.”
“Quand j’ai été testée positive, j’étais un peu soulagée que mes symptômes soient pris au sérieux, mais aussi très inquiète, car on ne sait rien de cette variole et mes symptômes étaient très forts”, explique l’infirmière.
“Je n’ai plus qu’à attendre que ça arrive”, souffle-t-il, “parce qu’il n’y a pas de traitement comme on me l’a dit.”
Le jeune homme est hospitalisé à Lyon depuis maintenant cinq jours, sous morphine. Une dizaine de jours après le début des symptômes, son état a lentement commencé à s’améliorer, même si ses douleurs au cou persistaient. Il explique qu’il croit avoir contracté le virus dans sa bouche après un contact rapproché avec un ami le soir de la Fête de la musique, mais “ce n’est pas clair”.
“Je ne pouvais plus dormir ni manger”
Courbatures, fièvre, fatigue… Lorsque les premiers symptômes de la variole du singe sont apparus le 21 juin, Corentin Hennebert a d’abord cru qu’il avait pris le Covid, mais le test s’est révélé négatif.
“Mais ça n’a pas duré longtemps”, a déclaré Corentin Hennebert, un Parisien de 27 ans, à BFMTV.com.
“Ensuite j’ai des lésions extrêmement douloureuses et très très contraignantes qui sont apparues sur les muqueuses”, au niveau des organes génitaux. “Puis, enfin, des sortes de boutons sur le corps et le visage : des croûtes qui ne cicatrisent pas, en gros.”
“Au début, je pensais que ça arriverait”, raconte le jeune homme, auteur et metteur en scène de théâtre. Mais les symptômes, qui, selon lui, ressemblaient à des hémorroïdes, étaient “très douloureux et ne s’améliorent pas”.
“J’ai trouvé ça anormal et je suis allé à l’hôpital rapidement car c’était déjà très contraignant : je n’arrivais plus à dormir. C’était des nuits blanches. Je n’arrivais plus à manger, je l’évitais car j’avais beaucoup de douleur en allant salle de bains. ‘
Trois jours plus tard, après quelques prélèvements effectués aux urgences, Corentin Hennebert apprend qu’il a bien contracté la variole du singe, comme le craignaient les médecins. “J’ai été très surpris car à cette époque il n’y avait que peu de cas en France”, raconte le jeune homme, qui estime avoir été contaminé cinq jours avant les premiers symptômes, lors d’un “contact rapproché avec une personne dans un contexte festif”.
“C’est une maladie qui se rattrape par une approche : ça peut être la salive ou même le contact peau à peau”, rappelle-t-il.
Manque flagrant de prévention et d’information
Désormais, Corentin Hennebert, comme Nicolas Prata, sont contraints de rester à l’isolement pendant trois semaines.
“Il suffit d’attendre, car il n’y a pas de traitement”, déplore-t-il également.
Pour ne pas contaminer les autres, les personnes infectées doivent recouvrir leurs lésions cutanées « avec des pansements et autres longs morceaux », surtout si elles doivent sortir faire des courses car « celles-ci ont une charge virale très élevée ». Avant de pouvoir reprendre une vie normale, ils devront enfin attendre la fin de leur cicatrisation, et laver tous leurs vêtements à 60°C.
Une dizaine de jours après le début de l’infection, le réalisateur de 27 ans continue de prendre des antalgiques. “On m’a prescrit des antalgiques forts parce que la douleur était insupportable. Aujourd’hui j’apprends encore et les gros sont toujours là même s’ils commencent un peu à rétrécir”, raconte Corentin Hennebert. Si aujourd’hui “ça va un peu mieux”, il explique que les blessures mettent du temps à cicatriser.
“De toute façon, j’aurais bien fait sans elle (…), je ne souhaite ça à personne.”
Le jeune homme, qui ne cache pas son inquiétude quant à la continuité de l’épidémie, regrette le manque d’information et de prévention des pouvoirs publics autour de ce virus. “Même quand on m’a dit que j’avais la variole, je n’avais pas beaucoup d’informations sur ce qui allait se passer. Le médecin m’a essentiellement dit quoi faire, et très peu de temps après avoir raccroché, j’étais seul à la maison. Puis Santé publique France est allée vers moi .. appeler pour enquêter sur mes symptômes et ma liste de cas contacts, pour m’avertir qu’ils devaient se faire vacciner, mais à ce jour il y a une semaine et ils n’ont pas encore été appelés” par les autorités sanitaires.
Les patients confrontés à la peur des amalgames et à l’homophobie
Après avoir posté un fil détaillé sur son expérience de la maladie sur Twitter, Corentin Hennebert dit avoir “été contacté par beaucoup de personnes” un peu perdues, lui demandant des conseils ou des informations sur la maladie. Selon lui, ses tweets ont eu un impact très fort par manque d’information.
“Cela me semble fou”, dit-il. “Je ne suis pas médecin, et je trouve dommage que ce soit à un patient de dire aux autres si c’est ça ou pas, c’est à moi de lui recommander d’aller à l’hôpital.”
Enfin, le jeune homme craint que cette maladie ne fasse l’objet d’« amalgames », comme aurait pu l’être le sida dans les années 1980. Car si jusqu’à présent la plupart des cas européens et américains ont été signalés chez des hommes ayant eu des rapports homosexuels, ils le sont. les seuls intéressés. Depuis la publication de ses tweets, il est déjà la cible d’une vague de cyberharcèlement homophobe. “J’ai reçu des centaines de messages nauséabonds”, déplore-t-il.
Jeanne Bulant Journaliste de BFMTV